La Tyrannie du Self-Control

En Asie, il est très mal vu, voir inconcevable de perdre son sang-froid. Quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez et quelle que soient les raisons, vous ne devez jamais vous énerver. Car votre interlocuteur risque de se retrouver dans une situation où il perd la face, ce qui est on ne peut plus inconvenant.

Maintenant que vous savez cela, imaginez qu’on vous voit souvent comme un sac à monnaie avec une paire de bras et une paire de jambes, qu’on va vous solliciter continuellement dans la rue pour un tour en moto, un repas, etc… et pourquoi pas en essayant de vous rouler au passage.

Ne. Jamais. Perdre. Son. Calme.

Ça faisait trois semaines que je me contenais, avec la règle d’or bien en tête. Je dinais au restaurant du Lac Lak avec mes amis baltes. L’hôtel se veut un côté luxueux, et la partie restaurant tente un peu de se la jouer « prestance à la Française ». Nous essayons de commander des plats et des boissons indiqués sur le menu. À trois-quatre reprises, le serveur nous répond avec un grand sourire « Sorry, we have no more [insérer le nom du plat] ». Mon amie lettone va même jusqu’à demander s’il recommanderait un poisson sur la carte (on est au bord d’un lac après tout). Baffouillement et grand sourire. Autant pour la prestance à la Française.

Le lendemain matin, petit déj. Je commande du PAIN et de la CONFITURE. Grand sourire quatre étoiles : « Sorry Sir, we have no more jam. ».

Respire Hugo, respire.

Le soir à la nuit tombée, j’arrive à Quy Nhon. À peine descendu du bus (apres dix heures de route dans le postérieur), deux requins sont déjà sur moi : « Hey Sir, motorbike ? Where do you want to go Sir ? » Impossible de m’en dépêtrer même en marchant plus loin, et malgré les « No thank you » à répetition. Cette fois, la coupe est pleine.

Je m’énerve. Un lâche l’affaire, mais l’autre continue, même lorsque je traverse la route et rentre dans une maison pour me renseigner où je suis auprès des habitants. « Mais i va me lâcher oui ? «  Ben non. D’habitude, je m’arrange pour faire les trajets à pied, mais là, la fille m’indique que mon hôtel est à 7 bornes. I really need a motorbike.

Mon démarcheur tenace a gagné la partie. Et en plus, je n’arrive pas à négocier la course en dessous de 4$.

Ils sont très forts.

One Response to “La Tyrannie du Self-Control”

  1. Charles dit :

    Je vais radoter mais tant pis : Chuck Norris, lui, s’en sort toujours dans une telle situation : il lui suffit de lancer à l’autochtone indélicat un regard dont il a le secret pour que celui-ci, pris d’une soudaine frayeur, n’insiste pas.

    Martin me corrigera si je me trompe, mais je crois me souvenir qu’on assiste à une démonstration dans le classique Missing in action (la scène ne dure qu’un instant d’ailleurs).

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